"Futures réflexions" - Une série documentaire de Morgan Roué à l'Hôpital Bichat

Morgan Roué, membre de la Communauté Lomography connu sous le pseudonyme @carcinome, est photographe argentique et médecin anesthésiste-réanimateur à l'hôpital Bichat-Claude Bernard à Paris. Il y a deux ans, ils nous avait dévoilé son projet documentaire Du cœur à l’ouvrage qu'il avait mené sur son lieu de travail en temps de pandémie de Covid-19. Sentant que "depuis la fin de l’engouement suscité par le Covid, l’hôpital est retombé dans un quasi anonymat photographique", Morgan a décidé d'entreprendre une nouvelle série avec la pellicule LomoChrome Metropolis. Sur une période de six mois, il a photographié les activités opératoires nocturnes avec en tête les contrastes et complémentarités entre l'homme et la machine en milieu hospitalier.
Nous tenons à vous préciser que quelques unes des images peuvent heurter certaines sensibilités.

Photos prises par Morgan Roué avec la pellicule LomoChrome Metropolis 35 mm ISO 100–400

Bonjour Morgan, nous te retrouvons dans les pages de notre Magazine pour présenter ton nouveau travail documentaire en milieu hospitalier. Peux-tu nous en dire plus sur ce projet ?

Bonjour Lomography, sans être une suite directe, ce projet s’inscrit dans un continuum avec ma précédente série Du cœur à l’ouvrage réalisée il y a deux ans. L’idée était de se concentrer sur une autre partie de notre travail, notamment l’activité opératoire nocturne avec certaines chirurgies spécifiques comme les transplantations, mais également de mettre en lumière la présence grandissante depuis quelques années des nouvelles technologies au bloc opératoire et donc in fine la complémentarité homme-machine dans la prise en charge des patients.
Les prises de vues se sont déroulées sur six mois environ entre février et septembre 2022 à l’hôpital Bichat dans le 18e arrondissement de Paris.

Photos prises par Morgan Roué avec la pellicule LomoChrome Metropolis 35 mm ISO 100–400

Comment as-tu procédé pour faire ressentir le contraste entre l’homme et la machine que tu souhaitais retranscrire ?

Sans être propre à la médecine, une grande partie de notre savoir-faire passe par deux éléments : les mains et le regard. Que ce soit une chirurgie réalisée avec un simple scalpel comme il y a plusieurs siècles ou une chirurgie robot-assistée ultramoderne, les différents objets qui nous aident à opérer sont le prolongement de ces deux éléments. Malgré cette complémentarité homme-machine, je trouvais intéressant de souligner le contraste visuel entre les deux protagonistes de cette série. Je me suis concentré sur le regard et les mains des soignants, leurs formes harmonieuses contrastent spontanément avec l’aspect anguleux et froid des machines. Ce contraste était d’autant plus saisissant en présence des deux sujets.

Photos prises par Morgan Roué avec la pellicule LomoChrome Metropolis 35 mm ISO 100–400

Qu’est-ce que tu as souhaité faire différemment par rapport à ta précédente série Du cœur à l’ouvrage ?

La précédente série était complètement dévolue à la chirurgie cardiaque que ce soit au bloc opératoire en couleur ou en réanimation en noir et blanc. Sur cette nouvelle série je voulais mettre en lumière les autres spécialités chirurgicales présentent au bloc à Bichat. La difficulté résidait principalement dans la nouveauté. Avec un environnement qui change peu, il fallait trouver un sujet novateur pour ne pas se répéter. L’idée est venue naturellement en comparant les différents secteurs chirurgicaux. Contrairement au côté intemporel recherché sur "Du cœur à l’ouvrage", je souhaitais ancrer cette nouvelle série dans un milieu contemporain voir avant-gardiste.

Photos prises par Morgan Roué avec la pellicule LomoChrome Metropolis 35 mm ISO 100–400

Qu’est-ce qui te pousse à photographier et documenter ton travail ?

Depuis la fin de l’engouement suscité par le Covid, l’hôpital est retombé dans un quasi anonymat photographique. Pourtant la photogénie du lieu est toujours intacte et sous exploitée. Je trouve dommage que la majorité du travail photographique hospitalier soit destiné à illustrer des articles de presse généraliste. Cette envie de partager notre quotidien de la manière la plus brute et authentique possible reste au cœur de ma motivation.

Photos prises par Morgan Roué avec la pellicule LomoChrome Metropolis 35 mm ISO 100–400

Comment réagissent tes collègues par rapport à la présence de l’appareil photo ? Et les patients ?

Mes collègues étaient plutôt satisfaits que je revienne pour un nouveau projet, ils avaient apprécié la première série, c’était d’autant plus simple de les convaincre. Par ailleurs les clichés étaient souvent pris lorsqu’ils étaient concentrés et ils oubliaient complètement l’appareil. Comme pour "Du cœur à l’ouvrage", j’ai choisi de me concentrer sur les soignants, la majorité des clichés ont été réalisés patients endormis afin de ne pas gêner et j’ai volontairement opté de ne pas rendre identifiables ces derniers. Une exception néanmoins pour le nouveau né. J’ai demandé une autorisation signée à sa mère qui était contente d’avoir quelques photos de la naissance de son enfant à laquelle elle n’avait pu assister.

Photos prises par Morgan Roué avec la pellicule LomoChrome Metropolis 35 mm ISO 100–400

Pourquoi est-ce tu as décidé de continuer à photographier en argentique et avec la LomoChrome Metropolis ?

Le choix de photographier en argentique était une évidence. En dehors du fait que je n’utilise pas de boîtier numérique, le rendu analogique brut et authentique se prête parfaitement au sujet. Pour la pellicule, j'avais envie que le continuum entre les deux séries soit aussi visuel. J’avais grandement apprécié les tons de la Metropolis édition 2019 qui se prêtait parfaitement à l’ambiance du bloc opératoire. Pour ce nouveau projet, je voulais me rapprocher de la patte graphique des animes futuristes cyberpunk japonais des années 90 avec un panel de couleurs assez froid comme dans « Ghost in the shell ». J’avais pu tester en amont la nouvelle émulsion, je trouvais intéressant les nuances entre les deux versions de la pellicule avec un contraste plus fort mais des tons assez similaires qui s’adapteraient à cette ambiance que je voulais restituer.

Photos prises par Morgan Roué avec la pellicule LomoChrome Metropolis 35 mm ISO 100–400

Comment envisages-tu la suite de ton travail documentaire à l’hôpital ?

Je pense que l’hôpital est un vivier photographique inépuisable en évolution constante. Il y a tellement d’histoires qui peuvent être racontées tant côté soignants que patients. Certains services comme les urgences ou la maternité sont visuellement très intéressants. Des modes d’exercices, comme le SAMU, qui opèrent en extra-hospitalier ont un potentiel photogénique incroyable.
Mais pour l’instant je vais faire une pause photographique à l’hôpital, il faut un peu de recul et de temps pour trouver un nouveau sujet vraiment intéressant.


Pour voir plus de séries de photos de Morgan, rendez-vous sur son site web et sur sa LomoHome. Vous pouvez également suivre le photographe sur Instagram.

Nous remercions vivement Morgan, ses collègues ainsi que l'Hôpital Bichat-Claude Bernard.

écrit par florinegarcin le 2022-11-07 dans #Gens #lieux

LomoChrome Metropolis 35 mm ISO 100–400

Ce film a une formule chimique unique, spécialement conçue dans les laboratoires Lomography, qui désature les couleurs, atténue les tons et fait ressortir les contrastes.

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