Hélène Virion et l'histoire du Petzval : renaissance d'un mythe

Nous avons eu la chance de croiser le chemin de la chercheuse et photographe plasticienne Hélène Virion l'année dernière. Depuis près d'une dizaine d'années maintenant, Hélène se consacre à la recherche pratique et théorique en photographie et elle a notamment mené des recherches sur l'objectif mythique Petzval. Nous voulions en savoir plus sur ses recherches, sur le pourquoi du comment et partager avec vous son univers.

Hello Hélène ! Peux-tu te présenter à la communauté Lomography et nous parler de ton parcours ?

Avec le plus grand plaisir, je suis ravie de dévoiler à la communauté Lomography mon parcours et mes investigations sur l’objectif Petzval!

Photographe plasticienne et chercheur en Arts dans l’équipe Art & Sciences de l’Université Paris 1 je mène depuis une dizaine d’années une recherche pratique et théorique en photographie. Grâce aux potentialités ouvertes par la manipulation numérique, je questionne le suspens photographique et tente d’y insérer un trouble. Après avoir pendant des années élaboré méticuleusement des univers prêts à basculer, des images où il va se passer quelque chose, je réalise actuellement des mondes baignés d’incertitude. Je compose numériquement des non-lieux où l’instant fugitif de la prise de vue laisse place à un moment flottant, à un fragment d’univers qui accroche le regard, mais ne se dévoile jamais vraiment. (ndlr : pour en savoir plus, rendez-vous sur le site Internet d'Hélène)

Du côté de la recherche, les domaines d’étude abordés sont plus vastes et s’étendent largement autour de la création numérique contemporaine. Pour autant, en résonance avec mes expérimentations plastiques, je m’intéresse particulièrement à la question du suspens et de la tension dans l’image fixe. Des recherches qui m’ont d’ailleurs conduites à m’intéresser au bokeh tournoyant de l’objectif Petzval, qui introduit au sein de l’image un trouble à même de faire vaciller la réalité.

Pourquoi avoir choisi le Petzval comme sujet d'étude ? Comment as-tu découvert cette optique ?

Le projet ARIAD-R mené par l’Université Paris 1 et le CNRS a été l’occasion de pousser plus loin mes recherches sur l’objectif Petzval. Celui-ci édité en 1840 par Joseph Petzval, puis réédité en 2013 par la société Lomography était en effet l’objet d’étude parfait pour aborder dans le domaine photographique l’innovation dans toute sa complexité et ses évolutions. L’objectif vivait en effet au moment du lancement de ce projet de création d‘une Archéologie des Innovations Abandonnées, Délaissées ou Résurgentes, une réédition accompagnée de nouveaux enjeux et usages à la source de mes investigations.

Pourrais-tu nous parler de ta démarche de recherche ? Comment s'est déroulée ta période de recherche ?

L’objectif de cette recherche est double. Il a été de repartir sur les traces de l’objectif initial, sur le lieu de son invention à Vienne et de mener parallèlement des investigations sur sa réédition par la société Lomography. L’idée est de révéler comment le cycle de vie de l’artefact prend à revers les notions d’abandon et d’échec. Elle est de mettre en valeur la manière avec laquelle la société Lomography en puisant dans les spécificités qui ont entraînées sa perte, la source d’un élan novateur, comme l’activation de nouveaux usages et pratiques photographiques associés à son bokeh.

Des rencontres marquantes que tu as pu faire en lien avec l'optique ?

Les recherches comme les premières interviews ont débuté à Vienne, ville d’origine de l’objectif. Otmar Moritsch, physicien à la tête des départements Information et communication du musée des techniques de Vienne m’a offert l’accès aux collections. Il est revenu sur l’origine du fond consacré à Petzval et a sorti des archives de précieuses pièces comme l’un des premiers objectifs ou l’Autoportrait au fusil, 1856 de Joseph Petzval. Les interviews se sont ensuite prolongées à Paris dans la boutique et les bureaux de Lomography France. Morgane Stampfer, PR et Online Marketing Manager pour la société m’a accordé un temps et une confiance précieuse. Elle a également effectué une interview visible sur le site ariadr.fr.

Qu'est-ce qui t'a le plus marqué en menant tes recherches ?

De manière assez inédite pour le projet ARIAD-R, le cycle de vie de l’objectif présente la spécificité de renaître grâce à ses imperfections. Les effets de courbure de champ, de vignetage, comme l’astigmatisme peu fiable et les aberrations chromatiques qui étaient à la source de son abandon dans les années 20, sont également à l’origine de sa résurgence. L’objectif Petzval est par ce rebond relativement inédit, révélateur d’une véritable réhabilitation des défaillances techniques de l’optique. Grâce aux rétro-recherches lancées par la société Lomography, l’objectif vit actuellement une véritable relance à la source de nouveaux enjeux et usages notamment liés au numérique. En témoigne d’ailleurs l’effervescence avec laquelle les amateurs et professionnels de la photographie ont plébiscité la relance de l’optique. L’appel à contribution de la société Lomography pour la réalisation du premier objectif Petzval 85mm Art Lens, lancée en juillet 2013 a rassemblé 3 379 contributeurs pour soutenir ce projet. L’engouement a été tout aussi significatif pour l’appel à financement participatif pour le 58mm Bokeh Control Art Lens en mai 2015.

Peux-tu nous parler de ta pratique de la photographie et de ton histoire avec ce médium.

L’infinie potentialité permise par le numérique m’a il y a déjà plus d’une dizaine d’années fait délaisser mes boîtiers argentiques pour une pratique qui se joue du réel. Le post-traitement est devenu mon outil de prédilection. Après avoir durant une dizaine d’années constitué numériquement des univers photographiques en attente, prêts à basculer, je m’attache actuellement à troubler la vraisemblance de l’image photographique. Pour cela, à partir de paysages photographiés autour du monde, je compose des non-lieux.

Par des formats circulaires, non sans évoquer les tondos de la renaissance ou les dispositifs oculaires du voyage, je reconstitue numériquement des univers en manque de repères. Par de multiples images, je compose minutieusement des photographies de 50cm à 1 mètre de diamètre, envahies par un blanc de plus en plus présent. L’intention est d’immiscer dans l’image des blancs tournants, en vue de troubler la question du signe et la perception photographique.

Dans le sillage de Kandinsky “Le blanc [y] sonne comme un silence, un rien avant tout commencement”. Le blanc bruit alors sous la surface évidée de l’image comme un élément déstabilisant, un espace vacant à investir. Il entraine le regardeur vers une forme d’absence, de carence qui trouble l’espace-temps photographique. Grâce à cette zone évidée, la photographie résiste à la perception. Son signe n’est plus clairement identifiable, son paysage n’est plus assignable à un point cartographique. Il se dérobe à toute appréhension immédiate, à toute quête d’un espace localisable. Une fois manipulée, la photographie ne se livre plus, elle nécessite alors d’être caressée du regard, vécue dans un cheminement visuel infini que je vous invite à expérimenter ici.

Où pourrons-nous voir le résultat de tes études sur le Petzval ?

Le résultat des recherches sur l’objectif Petzval est visible en ligne sur le site du projet ARIAD-R. Vous pourrez y découvrir un fragment vidéo de la conférence du 15 janvier 2016 au CNAM, comme le webdoc tourné avec les étudiantes en Master Multimédia Interactif de Paris 1. Celui-ci vous permettra de découvrir l’histoire de l’objectif de 1840 à sa réédition actuelle par la société Lomography. Vous y trouverez notamment l’interview de Otmar Moritsch évoquée à l’instant, comme celle de Morgane Stampfer qui nous a très gentiment ouvert les portes de la boutique Lomography à Paris.

Je vous invite également à découvrir l’article intitulé « L’objectif Petzval : un rebond esthétique » publié sur le Cahier #10 de l’ENS Louis-Lumière en décembre 2016 et lisible sur ce lien.

D'autres projets pour 2017 ? Quid du Daguerreotype Achromat ahah ?!

Impossible pour moi, de ne pas suivre et tester les nouveautés et les innovations de la société Lomography qui participent aux évolutions et à l’histoire de la photographie. Dans le sillage de l’objectif Petzval, le Daguerreotype Achromat inspiré des toutes premières optiques inventées par Charles Chevalier pourrait également être le sujet d’un nouveau constat positif sur l’innovation pour le projet ARIAD-R.

Merci beaucoup Hélène pour ce moment passé en ta compagnie. On se dit à bientôt alors ?!

écrit par mpflawer le 2017-01-24 dans #culture #news #Gens #objectif #histoire #photographie-argentique #petzval #etude #helene-virion

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