Analyse : médiocrité vs. expression de soi
Dans le monde de la photographie, on suppose souvent que notre expérience et notre maîtrise de cet art évoluent en parallèle avec le type d'appareils que nous utilisons et le style de photographie que nous pratiquons. Quelle est alors la valeur d'une vision ? Et où tracer la limite entre une photo « médiocre » et une photo guidée par l'expression de soi ?
Dans cet article, nous parlons de l'importance de rester en lien avec notre curiosité, de pratiquer la photographie argentique d'une manière qui résonne en nous, et bien plus encore.
Qu’est-ce qui rend une photo "bonne" ?
En général, nous définissons une bonne photo comme celle qui allie technique visuelle et essence. Quand nous regardons des photos, nous pensons à deux choses : le style dans lequel la photo a été prise (respecte-t-elle les principes de base de la photographie ? Est-elle visuellement harmonieuse ?) et si la photo éveille, voire secoue, quelque chose en nous (qu’est-ce qui dans cette photo résonne en moi ? Quelle était l’intention du photographe ?). Selon que nous soyons un observateur attentif ou que nous ayons une certaine expérience dans l’évaluation d’images, l’un de ces aspects peut prendre plus d’importance que l’autre.
Mais une bonne photo peut simplement être bonne selon nos critères très personnels — façonnés par notre environnement, nos expériences, notre ouverture d’esprit et nos préjugés. Une bonne photo peut être celle où nous faisons preuve d’empathie et où nous nous émerveillons de la perspective d’un autre être humain derrière l’objectif, ou encore celle que nous jugeons importante simplement pour ce qu’elle représente pour nous. Par exemple, une photo révolutionnaire d’une planète lointaine capturée clairement pour la première fois ne signifiera peut-être jamais autant pour certaines personnes que des photos de famille vieilles de plusieurs décennies qui ont traversé le temps.
Cela étant dit, la perspective du spectateur n’a pourtant pas toujours beaucoup d’influence sur une photo déjà prise. En tant que spectateurs, nous pouvons prendre la photo ou la laisser de côté. Changeons la question et tournons-la dans le sens contraire, car une grande partie de la puissance réside en réalité dans l’acte même de créer la photo — d’être nous-mêmes derrière l’objectif. C’est là que nous canalisons notre plus grande joie comme notre chagrin le plus profond, et c’est là que nous traçons la frontière entre une photo « médiocre » ou non.
Une photo est-elle bonne grâce à l’appareil ou à la pellicule utilisée pour la prendre ? Nous ne sommes pas étrangers aux débats sur l’efficacité de certains appareils argentiques ou types de pellicules par rapport à d’autres, sur la valeur d’un style photographique comparé à un autre, ou encore — dans une perspective plus large — sur la différence entre photographie argentique et numérique. Ces sujets sont inévitables. On peut même dire que, lorsqu’ils sont abordés avec respect pour des opinions différentes des nôtres, ces échanges peuvent être bénéfiques dans la quête et le développement de sa propre pratique.
Pour un débutant en photographie argentique, cependant, la prédominance de certaines opinions peut finir par nous détourner de la raison pour laquelle nous avons voulu photographier au départ — ou même nous empêcher de la découvrir par nous-mêmes. On peut se retrouver à éviter à tout prix de produire quelque chose de « médiocre », ou alors, dans d’autres cas, à suivre la voie la plus facile, en photographiant comme tout le monde, ce que tout le monde photographie.
Même si, en fin de compte, nous ne devons d’explication à personne sur la manière dont nous photographions, à un moment ou un autre dans le parcours d’un photographe — surtout si nous affirmons prendre cela au sérieux —, nous apprenons à nous poser cette question, pour la première fois… ou pour la cinquième.
Pourquoi faites-vous de la photographie?
Puisque l’art est subjectif pour celui qui le reçoit, nous n’avons que peu de contrôle sur la manière dont les autres perçoivent notre travail. Ce n’est en aucun cas un frein — c’est en réalité un cadeau. Cela nous donne la liberté de nous écouter profondément. Lorsque nous cessons de nous soucier du regard des autres et que nous revenons à l’essentiel de nos intentions, nous mettons en marche notre propre chemin d’expression personnelle. Aborder la photographie avec honnêteté, c’est aussi accepter d’être responsable de notre propre « médiocrité », selon nos standards en constante évolution.
Mais comment avancer dans ce parcours ? Peut-être qu’une des nombreuses réponses possibles est de continuer à se demander ce qui compte réellement pour nous, sans trop se soucier du reste. En photographie, lorsqu’on entend ce conseil souvent répété — que le meilleur appareil est celui que l’on a à portée de main —, on touche à l’essence même de ce médium profondément subjectif : capturer le monde autour de nous, à l’instant précis où cela a un sens pour nous.
Au bout du compte, ceux et celles qui ont ce besoin de documenter la vie à travers la photo sont appelés à rester fidèles à leur propre curiosité. On pourrait même dire que personne ne doit à qui que ce soit d’être excellent ou remarquable selon des critères collectifs, mais seulement d’être loyal envers ses propres idées, et envers l’élan intérieur qui, un jour, lui a donné envie de se lancer dans cet art.
Dans certains cas, ceux que l’on pourrait qualifier de photographes « médiocres » sont peut-être simplement des personnes qui n’ont pas encore trouvé leur voix, qui explorent encore les bases de la pratique, ou qui, tout simplement, prennent plaisir à réaliser exactement ce type de photos. Et dans ce cas, personne n’est légitime pour leur interdire ce cheminement artistique — surtout pas eux-mêmes.
Il est plutôt de notre responsabilité de nous poser cette question essentielle : pourquoi prenons-nous des photos, et où voulons-nous canaliser cette énergie créative — tout autant que nous nous interrogeons sur les appareils ou pellicules à utiliser. Un chat errant croisé au détour d’une rue, le léger changement d’expression sur le visage d’un être cher, une crise politique qui bouscule notre identité, une vieille ville que l’on découvre pour la première fois, ou un simple repas pris sur le pouce lors d’une journée chargée — toutes ces raisons sont valables pour capturer le monde. Il existe des histoires que nous seuls pouvons raconter à travers la photographie, et c’est à nous de les découvrir, puis de les fixer à travers notre regard.
Pourquoi faites-vous de la photographie ? Partagez vos réflexions avec nous en commentaire !
écrit par sylvann le 2025-10-27 dans #En profondeur















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