Community Amigo : fafaspeed80

Étudiant en architecture à Lille, fafaspeed80 (aka Fabien) rejoint l’aventure Lomography en 2013. Depuis, il collectionne les appareils argentiques et se lance dans différentes expérimentations. Initié au sténopé à l’occasion d’un exercice de première année d’architecture, il partage également avec nous une solarigraphie, fruit d’un travail de 6 mois d’exposition…

Nom : Fabien Gauret
LomoHome: fafaspeed80
Ville: Lille
Âge: 22

Hey ! Est-ce que tu peux nous en dire un peu plus sur toi ?

Et bien je me présente : Fabien, je suis étudiant en architecture, à Lille. Depuis mon arrivée ici, j’ai été sans cesse poussé à travailler le côté artistique de mes travaux. À force d’écumer les musées et les expo, j’ai commencé à penser différemment.
J’aime bien m’intéresser à un peu de tout: cinéma, musique, lecture, expo… Et par dessus tout, j’aime la ville ! Dans ma vie, j’ai besoin d’effervescence. Les dimanches tout pourris, les rues vides, cloitré à la maison, c’est pas vraiment mon truc. Ce qui me motive dans la ville, c’est son côté « toujours-occupé-à-faire-quelque-chose ». Il n’y a jamais de repos dans la ville: les bars, les magasins, les parcs, les personnes pressées, les personnes posées, les évènements, les expos, les concerts.
Mis à part ça, je reviens d’un an d’Erasmus en Italie, à Cesena, près de Bologne. Ça m’a permis de prendre conscience de pas mal de choses, et ça m’a énormément apporté. J’ai fait la connaissance de gens exceptionnels et je les en remercie bien !

Depuis combien de temps es-tu Lomographe ?

Un exercice de première année d’architecture consistait à la construction d’un sténopé, et le développement des photos produites, en vu d’un réel projet d’Arts Plastiques. J’ai ainsi découvert le labo photo de l’école, et donc tout ce processus photographique que je ne connaissais pas jusque là. Aujourd’hui, je profite de ce labo toutes les semaines si j’en ai envie, avec mes potes, et ça c’est vraiment le pied!
Quand j’ai reçu mon premier appareil argentique Lomography, à Noël 2013, j’ai commencé à les collectionner, à jouer avec les pellicules et les appareils, à expérimenter. Parce que c’est ça qui m’intéresse par dessus tout dans la photographie argentique: le travail de la matérialité, la relation entre le film photosensible et les méthodes alternatives de développement, comment la couleur va se modifier, comment la texture va donner vie à la photographie. J’aime faire résonner la couleur en fonction de la méthode de photographie.

Quels sont les appareils photo que tu as ?

Je sais, j’abuse un peu: j’en ai six, mais je ne les utilise jamais en simultané. Dans mon placard s’entassent un Canon AE1 Program, un Fisheye 2, un Zorki 10, un Supersampler, un Lomokino et mon petit dernier (le petit bijou!): le La Sardina Coyote Edition.

Peux-tu nous raconter ton expérience avec ces appareils photo ?

Tout commence donc avec ce fameux Fisheye 2 que j’avais reçu comme cadeau. Et puis j’avoue m’être lassé de son format. Donc j’ai commencé à le tromper avec le Supersampler, et presque simultanément avec le AE1 Program qui permettait vraiment une prise d’image bien plus diversifiée. J’ai récupéré un Zorki 10 sur une brocante, mais il me plait un peu moins, du fait de la prise en main ultra simplifiée. J’aime avoir le contrôle sur l’appareil. La facilité, ça va bien quand t’es pressé, mais ça s’arrête là.

Et à la suite de ça, j’ai reçu en cadeau un Supersampler avec lequel je me suis pas mal amusé à Berlin. Mais comme le Fisheye 2, je le trouve assez gadget. L’avoir, c’est bien, mais ça n’est pas celui qui me suit partout dans mes voyages. Là dessus, je suis resté fidèle à mon AE1 Program. Il m’a accompagné un peu partout: dans mes voyages en France, en Belgique, aux Pays-Bas, aux États-Unis. C’est comme un pote un peu trop silencieux, au final ;D
Puis je me suis mis au Lomokino l’hiver dernier. Retour aux bases du Cinéma ! Lui aussi, je dois l’avouer, il a de la gueule ! Mais pas très pratique vis-à-vis de la visée et du tournage en simultané.

Quant au La Sardina Coyote Edition, il me faisait rêver depuis pas mal de temps. Et à force de parcourir tout le Nord de l’Italie, l’AE1 Program s’est montré un peu encombrant. Alors j’ai acheté cet appareil. Pour l’instant, c’est encore en phase de test. Je vais bientôt envoyer la première pellicule, je croise les doigts !

Quel est ton appareil Lomography préféré ? Et pourquoi ?

Bah du coup, le La Sardina, je le mettrai en second (pour la beauté de l’objet, quoiqu’il en soit, il arrive premier!). Sinon, le AE1 Program est un grand classique mais me satisfait vraiment beaucoup, du fait du champ de possibilités qu’il m’offre. Je jongle entre l’objectif zoom et l’objectif macro, j’apprécie la netteté de la photo, et la manipulation qui peut être entièrement personnalisée. Et puis il y a surtout la valeur sentimentale de l’objet, puisque c’est celui de mon père…

A ton avis, pourquoi on continue de faire de l’argentique ?

Voilà enfin la question-débat !
À mon sens, à l’ère du Tout-Numérique, les gens ont tout simplement oublié ce qu’est la photographie. La preuve en est que mes amis non-photographes galèrent à comprendre clairement la notion d’ISO, de focales, d’ouvertures, et j’en passe… Les gens ne savent pas ce que la modification d’un seul de ces changements va provoquer sur le produit final. Et pourtant, chaque jour, ils enchaînent selfies, photos touristiques, photos entre amis, photos de boulot mais ne se préoccupent pas de comment ces photos sont prises, ils ne se rendent pas compte de leur préciosité. Le passage par le développement et le tirage permet une prise de conscience. Sans faire des gens des photographes, au moins auront-ils le bénéfice de savoir comment fonctionne leur appareil photo.

Et puis il ne faut pas se mentir, tout le monde prend des photos de vacances, les stocke sur son ordi, mais personne ne les regarde. On est dans une époque où le monde parcourt les rues en Street View, bien au chaud dans son canapé, où l’on découvre les endroits sur internet avant de les re-voir dans la réalité, alors que ça devrait être l’inverse. On voit d’abord virtuellement avant de voir réellement. On n’est plus aventuriers, et c’est bien triste !
Comme quoi la régénération de la photographie argentique pourrait modifier pas mal de comportements…

Quels sont les endroits que tu aimes photographier ?

Je répondrais à nouveau: la Ville. C’est un espace vraiment très particulier et très vaste… On peut s’intéresser à l’Art dans la rue, à la foule, à des personnalités intéressantes, des paysages urbains particuliers, les graffitis. J’aime photographier l’effervescence urbaine. Non pas dans sa beauté, mais dans sa réalité propre. Comment moi, citadin, je perçois l’espace que je vis tous les jours.
Lille ça n’est pas que la Grand Place, la braderie, le Beffroi et les rues magnifiques et authentiques du Vieux-Lille, c’est aussi le métro, les ruelles lugubres, le périph’… Pourquoi photographier le Beau quand il ne reflète pas la réalité?!

Peux-tu nous parler un peu des photos que tu as choisies de nous montrer ?

Parmi celles que j’ai choisies, on pourrait distinguer deux grands groupes: les expérimentations, et celles plutôt basées sur la composition photographiques (sans avoir non plus la prétention d’être parfaites)…

Concernant le premier groupe, on peut distinguer un paysage urbain particulier, puisque l’impression est en négatif, en rose, avec des zones périphériques de la photo bien amochées par une couleur rouille. Il s’agissait d’une solarigraphie, que j’ai pu réaliser pour un taff à l’école d’archi. Temps de pose: 6 mois. Matériel: une boite noire percée d’un trou très fin. Support photosensible: du papier photosensible. Ce qui m’a plu, c’était de passer chaque jour devant ma boite qui était lestée et imperméabilisée, en voyant les mois passer. Et surtout, la facilité dingue de cette technique: pas de développement ! La vue s’imprime sur le papier qui s’oxyde durant plusieurs mois. À la fin de la pose, il n’y a qu’à ouvrir la boite et récupérer le cliché déjà pris (attention, l’original devra se placer à l’abri de la lumière donc je conseille vivement le scan direct!).

Sinon on peut voir aussi ma première photographie d’expérimentation: mon chien qui traverse ma cuisine avec une énergie débordante, et une deuxième pose longue faisant apparaître une lumière jaune orangée. Ce qui m’a plu sur cette photographie, c’est le dynamisme que ça apportait à la photo d’origine.

Quelques mois après, j’ai retenté la multi-exposition mais afin d’intégrer une texture étrangère à une silhouette. D’où la photo du palmier se remplissant d’une texture rocheuse… J’avoue être assez fier du résultat, surtout en sachant que je n’avais pas encore visité le Lomohome de hanat9651, qui s’occupe des silhouettes et de formes végétales s’ajoutant à l’intérieur par multi-exposition. Ce travail, je le faisais dans le cadre d’un taff en Arts Plastiques, où j’ai réussi à capturer la silhouette de trois amis et les remplir avec les bâtiments caractérisant la nouvelle ville de Villeneuve-d’Ascq. Le citadin se retrouve alors associé directement à un milieu dans lequel il grandit, dans lequel il développe sa manière de penser et sa personnalité.

Vient alors le deuxième regroupement de photo de ma sélection. Je commence direct par la photo dont je suis le plus fier, un portrait réalisé sur la plage d’Ostende durant un après-midi d’été venteux avec mes potes, pendant un voyage en Belgique. J’avoue n’avoir pas spécialement contrôlé le résultat, et quand j’ai ouvert le courrier et découvert le cliché, je me suis dit: « Waouh! ». Je ne sais pas vraiment si la soupe de pellicule dans laquelle j’ai placé le film 35mm avant le développement y est pour grand chose… Mais le mouvement des cheveux, le regard de ma pote (pour une fois qu’elle le fait bien ;D ) et le flou du second plan font de cette photo un cliché de dingue !

D’autres photographies m’ont bien plu pour leur force de simplicité, et de délicatesse dans les textures et les espaces qu’elles présentent. Cette photo prise au Met à New York, durant un voyage absolument délirant, a l’avantage de montrer que la photo, ça n’est pas seulement de capturer des moments puissants et des formes complexes, mais qu’en présentant le vide et juste un petit bambou qui sort d’un plan d’eau extrêmement plat, ça change quand même pas mal la donne. Idem avec ce cliché pris au Pavillon de Mies Van Der Rohe à Barcelone, avec cette longue assise en marbre, quasiment vide, mais assez drôle de par le contraste formé par les positions différentes de l’homme de gauche avec les mecs de droite. Ça rentre aussi en conflit avec la linéarité horizontale du lieu. Et il y a aussi le cliché pris à Rimini, en Italie, durant un aprem’ où la plage était déserte. Et on voyait quelque chose de vraiment marquant: trois bandes de couleurs en harmonie les unes avec les autres, et une dernière bande qui tente de les traverser. Une ode à l’Adriatique (quel poète !)…

Et ces dernières photos quant à elles me plaisent de par le récit qu’elles font de la ville… Des piétons qui marchent dans la rue tandis qu’un couple discute assis à une table, la skyline de New York à travers la vitre arrière d’un taxi qui fonce vers l’aéroport, un point de vue industriel de la rue à travers les vitres d’un resto à Little Italy, tout nous montre l’espace urbain tel qu’il est, avec ses qualités et ses défauts, et dans un langage sensiblement différent de par l’échelle qu’il choisit.

De la même manière, je présente Checkpoint Charlie depuis un angle différent, une vue de façade et la route qui passe devant. Les 4 poses recréent une rue et mettent en valeur l’endroit emblématique de Berlin.
Je finirais avec ma deuxième photo favorite, une multi-exposition réalisée à Rome, devant le Colisée et face à la skyline de la ville à côté de la Villa Medicis. Là encore, l’appareil avait pris une photo de plus que prévu, je m’étais largement planté mais le résultat n’en est que plus intense. Le souvenir de mon voyage résumé en une photographie !

Peux-tu nous recommander des LomoHomes que tu aimes suivre ?

Me lyncher pas, je n’ai pas beaucoup de temps pour traîner sur les Lomohomes ! Il y a tout une multitude de travaux qui sont super intéressants et que je vais sûrement oublier dans cet interview…
Je vous conseillerais tout d’abord d’aller faire un tour du côté de jaybees80 qui taffe avec la technique des multi-expositions, en superposant des paysages ou en les renversant. Dans son album Mystic Delirium, je suis resté scotché devant la surexposition de la cathédrale, qui vient former de nouvelles formes étrangères du lieu dans leur effet global.
Puis passer voir alienmeatsack et ses clichés de la ville américaine, vidée de sa population. Là encore la qualité des photos et l’attention portée aux détails de la ville comme aux espaces plus importants sont vraiment des leçons en soi… heyfrida quant à elle nous laisse rêveurs par ses clichés de voyages très narratifs. C’est comme lire un roman d’aventure: on arrive à construire une histoire en regardant la suite de photographies. Elle laisse la possibilité d’interpréter ses clichés d’une manière assez somptueuse.
Et enfin, je termine avec un Lomohome que je considère comme le plus inspirant, et qui m’a également inspiré pour un de mes travaux d’étudian t: hanat9651 . Je vous dirigerai directement vers l’album Shadows, Shapes and Sham, où il utilise également la multi-exposition mais d’une manière un peu plus précise puisqu’il joue sur la silhouette afin d’y incorporer une texture ou un espace particulier, ce qui attribue à la silhouette une émotion.

écrit par mpflawer le 2015-10-29 dans #Gens #lomoamigo #community-amigo

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