LomoWomen : Pascale Arnaud

En ce mois de mars, nous mettons à l'honneur les femmes photographes sur notre magazine. Nous avons donc saisi cette opportunité pour nous entretenir avec la photographe française Pascale Arnaud. La lauréate du Prix Picto de la jeune photographie de mode en 2017, s'exprime dans cette interview sur la représentation et la place des femmes dans la photographie. Découvrez ses réponses à nos questions et ses photos sans plus attendre.

Amande. Photo de Pascale Arnaud.

Bonjour Pascale et bienvenue sur le Magazine Lomography ! Peux-tu te présenter à nos lecteurs ?

Bonjour ! Je suis photographe, j’ai 24 ans, et je vis à Paris.

Comment as-tu commencé la photographie ? Quelle place cela occupe dans ta vie aujourd’hui ?

Lorsque j’avais 14 ans, ma soeur a commencé à faire de la photographie. J’ai voulu faire comme elle, après quoi je n’ai jamais arrêté ! Aujourd’hui la photo est mon métier, mais ma passion avant tout. Et c’est le principe des métiers-passions, cela occupe l’esprit constamment.

Figures. Photos de Pascale Arnaud.

Quelles sont tes sources d’inspiration ?

Sur mes séries les plus personnelles, ma principale source d’inspiration vient de mon vécu et de celui de mes proches. D’après moi, les photographes s’inspirent tous en partie de leur propres ressentis et expériences, consciemment ou inconsciemment. Même dans la photographie de mode que je pratique beaucoup, la photo est, d’une certaine manière, un auto-portrait. C'est une des discussions que nous entretenions régulièrement avec le photographe Paolo Roversi, de qui j'ai été l'assistante à la sortie de mes études de photographie. Son travail ainsi que la façon poétique qu’il a de parler de cet art m’ont aussi énormément apportés.

Nous nous entretenons aujourd’hui à l’occasion du Women’s History Month. Tes séries Figures et Emerging Adulthood présentent la diversité des corps et la complexité de l’affect, notamment à travers la représentation du corps féminin. Qu’est-ce qui t’a poussé à entreprendre ces projets photographiques ?

Ma première série abordant ce thème a été Emerging Adulthood, réalisée en 2017, qui imageait différents vécus au sein de la période située entre l’adolescence et l’âge adulte. Étant moi-même plongée dans cette phase à cette époque, j’ai entrepris ce projet et cela m’a paru indispensable d’exprimer le rapport à notre propre corps, qui est à mes yeux un thème aussi important que complexe.
Pour ma série Figures, je photographie des corps nus de tous types de femmes, sans critères de sélection aucun. J’essaie de rendre poétique et pictural tous les corps dans leur complexité, leur diversité, leurs complexes. C’est une ode à la beauté de l’imparfait, aux soit-disant défauts qui n’en sont pas. Ces images résument bien la façon dont j’aborde les femmes et leurs corps dans l’ensemble de mes photographies.

Emerging Adulthood. Photos de Pascale Arnaud.

Il existe une certaine douceur dans tes clichés. Douceur captivante qui ne fait aucunement de l’ombre aux sujets photographiés et qui semble même les appuyer. Pourrais-tu nous en parler ?

Pour mes séries les plus personnelles, je photographie généralement des proches. Concernant mes séries de mode, je photographie le plus possible des personnes qui ne sont pas forcément mannequins mais qui ont une beauté particulière qui m’inspire et me fascine. Cette douceur qui ressort est surement le reflet de ma façon de les regarder, de les voir comme des muses.

Parlons un peu technique, quel(s) appareil(s) utilises-tu ? Appliques-tu un traitement particulier à tes photos ?

J’utilise principalement un appareil numérique, le Canon 5D. Quelques-unes des mes séries sont aussi faites en argentique mais cela est plus occasionnel. Lorsque que je photographie des modèles, j’essaie de capter des expressions du visage et du corps intéressantes, je les fait parler, bouger, danser. Pour toutes ces raisons, le numérique se marie bien avec ma pratique, car il permet de faire beaucoup de photographies pour mettre la/le modèle à l’aise jusqu’à obtenir l’image la plus forte. Quand au traitement de mes photos, j’attache une très grande importance aux couleurs, aux contrastes et à l’ambiance que cela peut apporter à une série. Je crée aussi beaucoup de séries mélangeant noir et blanc et couleurs, pour moi le contraste entre les deux apporte beaucoup.

Suspended. Photos de Pascale Arnaud pour Will Magazine.

Le corps de la femme est soumis à une pression venant des médias, de l'industrie et la censure l’accable un peu plus de jour en jour. Que penses-tu de cette situation ? Que penses-tu que nous devrions faire pour pallier à cela ?

C’est exactement pour ces raisons que j’ai fait des séries telles que Figures et Emerging Adulthood. J’espère, à ma petite échelle, que ça peut aider des femmes à accepter leur corps comme il est et à réaliser que la beauté est dans l’imperfection, dans la diversité.

Les choses bougent petit à petit, les mannequins choisis par les marques sont de plus en plus singuliers et changent des modèles de beauté classiques, les corps non-retouchés sont de plus en plus présents… mais cela reste des avancées lentes et occasionnelles. J’aimerais faire partie de cette nouvelle génération qui essaie de faire bouger les choses et de passer au dessus des diktats.

En tant que femme et artiste, quelle est ton expérience dans le monde de l’art et de la culture ? As-tu l’impression que le genre a de l’importance ? As-tu des expériences positives ou négatives à partager avec nous ?

Je ne le ressens pas trop dans mon travail de tous les jours. Peut être parce que je suis au début de ma carrière, donc je ne suis pas confrontée à la part misogyne de ce milieu si souvent que ça. Mais pour moi, la différence de traitement des femmes et des hommes est partout dans la société, et donc dans le monde de l’art et de la culture aussi, de manière plus ou moins insidieuse.

D’après moi l’une des causes est le manque de légitimité ressenti par beaucoup de femmes, éduquées à se remettre en question constamment, moi comprise.

About Gender. Photos de Pascale Arnaud.

As-tu des conseils à donner aux jeunes femmes photographes ?

Stop au syndrome de l’imposteur ! Le manque de confiance en elles de beaucoup de femmes les pousse à ne pas se sentir légitimes dans des cas où elles ont parfaitement les capacités requises. J’essaie d’appliquer moi même ce conseil, même si dans la pratique ce n’est pas toujours facile. Mais d’après moi, c’est important pour faire avancer les choses.

En temps que femmes, nous pouvons aussi être nous mêmes les créatrices des œuvres qui nous représentent de manière positive. On ne devient alors plus l’objet photographié par l’homme, mais la personne qui photographie et interprète sa vision de ce qu'est être une femme en 2019, une femme qui s'émancipe, qui se pose des questions sur le genre, et qui a des convictions féministes.

Des projets pour 2019 ?

Les injonctions imposées aux femmes viennent en grande partie des stéréotypes de genres, qui sont finalement autant d’injonctions imposées aux hommes. C’est pour cela qu’en ce moment, je travaille beaucoup sur le thème du genre. J’aimerais montrer que la beauté est dans le mélange des genres, dans l’ambiguïté, et sortir des cases « homme » et « femme » ne peut être que bénéfique. Plusieurs projets sont à venir sur ce sujet, sortira notamment très bientôt une vidéo de mode que j’ai réalisé sur le sujet… stay tuned !

Merci beaucoup Pascale !


Pour découvrir plus des photos et l'actualité de Pascale Arnaud, rendez-vous sur son Site Web et son Instagram.

écrit par florinegarcin le 2019-03-19 dans #Gens #lomowomen #pascale-arnaud

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