Rencontre avec Solo Astra et le Lomo'Instant Automat Glass

Solo Astra est un groupe pop-rock-psychédélique, originaire des Iles Canaries mais installé à Madrid. Solo Astra est composé de Luis Sansó (voix, guitare), Toni Díaz (guitare, synthé), Alejandro García (basse) et Dani Rodríguez (batterie). À l'occasion de leur passage à Paris pour jouer au Beau Festival, nous avons rencontré le groupe pour parler de leur musique, de photographie, du retour de l'argentique dans le monde de la musique mais aussi, évidemment, dans le monde de la photographie. Le tout accompagné du Lomo’Instant Automat Glass.

Bonjour Solo Astra! Présentez-vous :

Nous sommes Daniel Rodriguez Huertas, batteur, Luis Sansó, guitare et voix, Ale Garcia, guitariste secret et bassiste lors des concerts, et Toni Diaz, synthé et guitare.

4 mots pour décrire votre univers :

Vapor - Wave - Trap - Psychédélie, le tout mélangé.

Et si vous deviez décrire votre style musical et votre évolution ?

Nous avons grandi en écoutant les classiques, the Beatles, the Kinks, the Rolling, et d'ailleurs le groupe est né de l'idée de faire un retour au passé, musicalement. Mais petit à petit, nous nous sommes ouverts à de nouveaux horizons et nous avons découvert qu'une chanson peut aller au-delà d'une simple composition et mélodie, que nous pouvions la transformer et lui donner mille nuances pour la rendre plus spéciale et différente. C'est en somme le chemin que nous avons emprunté, jusqu'au point où maintenant nous sommes presque incapables de rester dans un même style et un même genre. Avec chaque nouvelle chanson, nous testons une chose différente. En outre, le genre psychédélique est intrinsèquement transformiste, il est en constante mutation, donc c'est normal que nous soyons en évolution constante. En ce moment nous produisons un son plutôt minimaliste, un peu moins psychédélique et plus vaporwave, avec limite une petite touche de hip hop. Moins d'éléments, mais en y accordant plus de soin.

Qu'est-ce que le vaporwave ?

Tout d'abord, il faut dire que nous ne faisons pas que du vaporwave, mais au final le vaporwave est un style quasi électronique qui se base sur l'esthétique VHS des années 80-90. Si nous sommes étiquetés en tant que vaporwave, c'est parce que celui-ci se base aussi sur des modulations de synthés, des synthés déformés qui frôlent la dissonance, un son électronique lo-fi, presque contradictoire. Dans cette mesure, oui, nous avons un côté vaporwave.

Quand nous parlons de lo-fi, nous pensons tout de suite à la musique garage et au DIY. Vous avez enregistré vous-mêmes vos propres sons, dites-nous en plus :

Le DIY est un concept de base dans le genre lo-fi. Tous les artistes de ce genre ont été leurs propres producteurs. Ils ont passé des heures chez eux à chercher le son de leur batterie, de leur guitare... C'est ainsi que chaque artiste va créer un son propre et particulier, et c'est pour cela que c'est un genre très spécial. Nous n'allons pas au studio et hop en trois heures nous enregistrons un album. Dans notre cas, nous passons des heures à geeker à la maison, et on se prend la tête pour trouver le bon son.

Au tout début nous débarquions dans le studio avec l'idée des chansons, sans avoir enregistré des sons préalablement : nous étions forcés de trouver le son sur place. Nous nous sommes rendus compte par la suite que pour trouver un son qui nous était propre, nous avions besoin de beaucoup plus de temps. Donc notre procédé s'est inversé : nous passons des heures à la maison et à la salle de répétition à chercher le son de nos éléments. Nous emmenons parfois même des sons au studio qui ont déjà été enregistrés chez nous, et nous mixons le tout au studio. C'est cela qui nous donne une identité propre, parce qu'au final un producteur, même le meilleur des producteurs, va avoir une façon de travailler qui lui est propre et dont le rendu ne sera pas 100% fidèle au son que l'on cherche. Nous voulons que nos guitares et nos batteries sonnent comme nous.

3 chansons pour nous introduire votre groupe :

Corto Circuito. C'est une de nos premières chansons, et c'est avec cette chanson que Ale a intégré le groupe. Maintenant on ne la joue plus et d'ailleurs elle n'est même plus disponible en ligne. Alors les trois chansons les plus significatives maintenant seraient les trois dernières, à savoir Japanese Food, Natural Burger, et la comptine de Noël, Rudolph Knows. Nous sommes à présent tellement inclinés vers la nouveauté que parfois nous sous-estimons ce qui a déjà été fait (mais c'est pas bien de faire ça...)

Vous avez réalisé vous-mêmes le clip de Rudolph Knows - nous sommes à fond dans le DIY :

C'est une question de budget, mais au final ce n'est pas mal parce que nous produisons ce qui nous plaît et nous représente. Le fait qu'il ait été réalisé avec très peu de moyens le rend assez frais.

Quelles sont vos influences ?

Nous avons la chance d'avoir baigné dans tous les genres. Nous aimons tout le spectre musical, en allant même du reggaeton (oui !) à la musique plus électronique. En ce moment Ale écoute Charly Garcia à fond, un génie argentin. Nous écoutons aussi le blues du Mississippi profond, les classiques des années 50. Le dernier album des Gorillaz est hallucinant. En ce qui concerne la Trap : la première impression est horrible, tu te demandes ce qui se passe là-dedans. Mais petit à petit ça passe de plus en plus. Nous écoutons finalement un peu tout : Dani et Toni sommes à fond avec le hip hop et la trap en ce moment, mais peut-être que demain nous écouterons de la cumbia psychédélique ou de la chicha. Au final, pour répondre plus généralement à la question, nos plus grandes influences ont été forcément les bandes classiques du néo-psychédélisme, comme Mild High Club, Homeshake, Ariel Pink, Mac Demarco, Tame Impala. Mais ce qui forge une identité musicale, c'est plutôt le fait d'écouter et de découvrir des styles différents au nôtre.

Nous sommes actuellement au Parc de la Villette, en face de « la Géode », où Tame Impala a enregistré une session Deezer en 2015. Anecdote : Kevin Parker a réalisé lui-même la photo de la pochette de Lonerism au jardin du Luxembourg avec un appareil Diana qu'il avait cherché préalablement à la boutique Lomo Paris. Quelle dimension prend chez vous la photographie ?

Nous avons la chance d'être entourés d'amis photographes, et quasiment tous travaillent en argentique. L'aspect artistique, les covert art, c'est souvent des artistes proches de nous qui le gèrent : évidemment l'aspect esthétique, le design, l'image d'une bande sont très importants pour un groupe.

Vous venez de sortir Japanese Food, un single qui fera partie d'un album prochainement, et vous l'avez sorti en format vinyle : parlons du retour au vinyle et à la photo argentique, au format analogique. Pourquoi pensez-vous qu'un tel retour s'est opéré en musique et en photographie ?

Dali a dit que la photographie a sauvé la peinture. Tous les peintres de l'époque se dédiaient à une sorte de réalisme pur, et c'est lorsque la photographie est apparue que se sont développées toutes les avant-gardes, car les artistes ont voulu le fuir. C'est en quelque sorte lié avec la question : lorsqu'on voit qu'aujourd'hui tout le monde peut s'emparer d'un téléphone et shooter avec, les photographes veulent de plus en plus récupérer leur valeur artistique en revenant à l'argentique, parce qu'il est plus pur, parce qu'ils sentent qu'ils sont en train de faire quelque chose de presque tangible, comme les sels d'argent. C'est capturer la lumière pour de vrai, lutter contre le fait qu'elle soit transformée en pixels. Et encore plus si c'est eux qui développent leurs pellicules eux-mêmes : les gens qui expérimentent le développement de leurs propres pellicules sont souvent fascinés et restent dans cette pratique. C'est un peu la même chose avec le vinyle : nous ne sommes plus dans la poursuite de l'immédiateté. Nous vivons actuellement tout le temps dans l'immédiateté, dans la vanité de ce que nous écoutons : tout avance trop rapidement et tout, dans la photo et la musique, se consomme très rapidement. Tu rentres sur Spotify et tu écoutes 10 secondes d'un morceau. Et tout ceci aboutit à une nostalgie qui a conduit au retour du vinyle.

Des plans pour 2017 ?

Nous sommes actuellement en pleine tournée avec la sortie de Japanese Food. Nous avons joué au Beau Festival à Paris, mais nous sommes aussi allés au Pays Basque, aux Iles Canaries, au Portugal. Nous allons jouer à Londres prochainement, mais dès que l'été arrive nous devrons nous enfermer dans le studio afin de le sortir en septembre-octobre. En format vinyle. Le vinyle a la particularité de nous "forcer" à écouter un album ou un EP en entier, par le côté rituel qu'il a. Si tu mets un vinyle, tu ne t'arrêtes pas au bout d'une chanson, et tu l'écoutes jusqu'à la fin, c'est du pur rituel. Dans nos albums nous sommes très conceptuels et l'ordre des chansons n'est pas un hasard : il faut écouter l'album en entier. (ce qui arrive en général avec toutes les bandes qui sortent un album). Ceci compense un peu le "single panic" que nous connaissons actuellement, le fait de ne plus vouloir écouter qu'un seul morceau, sur Youtube.

Un petit mot à partager avec nos lecteurs ?

Ecoutez Charly Garcia.

Merci Solo Astra !

Plus d'info et musique du groupe par ici.

Interview et photographies réalisées par Maria Teresa Neira.
Photos prises au Lomo’Instant Automat Glass.

écrit par Maria Teresa Neira le 2017-05-31 dans #culture #Gens #vidéos

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