Entretien avec la photographe Kamila Stanley

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Tombée dans la photographie argentique pendant son adolescence, Kamila s'est construit un univers photographique unique. Ses photos aux tonalités acides et aux néons tranchants témoignent d'un monde en transition, d'une jeunesse "patchwork" hybride et désorientée. Entre deux destinations, deux aventures, deux continents, nous avons eu la chance d'échanger quelques mots avec elle.

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Bonjour Kamila, peux-tu rapidement te présenter aux Lomographes qui n’ont pas la chance de te connaître ?

Hello ! Je m’appelle Kamila, je suis photographe, project manager, et j’écris plein de choses à propos de la photo.

Peux-tu nous parler de ta démarche en tant que photographe et de ton choix pour l’argentique en particulier ?

Un jour je suis partie voyager un an, et pour mon départ mon ex m’a trouvé un Minolta des années 70 dans une brocante. J’étais ado et je suis tombée amoureuse de l’argentique parce j’ai appris ça dans l’euphorie du voyage, quand tu as les yeux vifs et les sens à fleur de peau.

Cette spontanéité du départ me donne à ce jour un équilibre. Parce qu’avec d’autres médiums dans lesquels je travaille comme l’écriture ou la vidéo, souvent je me casse la tête et je m’égare.

Avec quoi tu shootes et quelles sont tes pellicules de prédilection ?

J’utilise tout plein d’appareils et objectifs mais dans la vie de tous les jours j’ai un Olympus OM10. Mes prefs sont les pellicules Portra, les Fuji Superia et les CN Lomo :)

Question épineuse : comment définirais-tu ton style ?

Je suis obsédée par un ton de couleurs spécifique, les néons et tout ce qui a une certaine lueur; j’ai du mal à mettre les mots dessus. Un jour un magazine a décrit mon taf comme “National Geographic on acid”; en vrai que je shoote un paysage ou un visage, j’aime beaucoup embaumer tout d’un hâle un peu étrange.

Qu’as-tu choisi de raconter à travers tes photos ?

Depuis longtemps j’associe la photo à la sensation des drogues hallucinogènes : les sens super réceptifs, l’imagination aiguisée et tordue, l’angoisse de l'imprévu et tout ça. C’est la réalité mais augmentée et étirée, comme vue à travers un brume. En voyage j'aime beaucoup surexposer et jouer sur des tons pastels, en studio je préfère certaines techniques pour créer un voile. Que tu photographies une personne intime ou un inconnu, un océan ou une vitre brisée, l'idée c'est de révéler une part de vérité que l'on n'aperçoit pas forcément à l’œil nu - comme dans un trip.

L’innocence, l’enfance et les périodes de mutations, de changements et de doutes sont des thèmes que l’on retrouve régulièrement dans ton travail. Pourrais-tu nous en parler ?

Je viens un peu de partout et de nulle part, j’ai grandi entre beaucoup de pays éparpillés. Il y a de ça, et puis je suis toujours très tournée vers l’enfance et la jeunesse. C’est une curiosité ou une impatience qui m'alimente un peu.

"Les Enfants d’Europe" est ton dernier projet photo. Pourrais-tu nous en parler et nous raconter la genèse de ce projet ?

Alors c’est un shoot qu'on a fait sur le thème de l’Europe. On vit dans une époque de malaise, et dans toutes les villes Européennes y a cette angoisse dans l'air. On nous a élevés gavés de valeurs de tolérance et de libéralisme. On est la génération Twitter et Easyjet ; avec des identités plurielles, multiculturelles et super fluides. Puis ces dernières années avec la résurgence de l’hystérie nationaliste et les frontières qui se referment, cette identité s'écroule. Du coup on est une génération patchwork laissée en plan au milieu, une jeunesse à la fois hybride et désorientée.

C’est un peu délicat car les gens ne s’attendent pas toujours à ce que la mode soit politique ou même engagée. Mais j’ai bossé avec une équipe trop chouette et super internationale qui ont donné plein de matière au thème.

Les portraits occupent une large place dans ton travail. Peux-tu nous parler de la manière dont tu as choisi d’aborder cette discipline délicate ?

Il y a une dynamique que j'aime trop dans le portrait; l’idée de souligner une partie de quelqu’un qu’elle même ne connaît pas. Puis j’ai compris les vraies techniques de la photo en photographiant mes 3 sœurs et mes 2 frères. C’est pratique parce qu’ils sont têtus, du coup j’ai appris à travailler avec des sales caractères et des visages d’ange par la même occasion.

Sur ton site, on retrouve de nombreuses séries « itinérantes ». peux-tu nous en parler de nous expliquer le titre que tu as choisi, à savoir « Where dreams lead » ?

Je suis trop influençable et mon regard mûrit au fil des endroits que je visite, parce que tu t'imprègnes de tout. Là j’ai passé une année un peu tumultueuse à Vienne et je vois bien que mon portfolio a pris une tournure plus sombre et provocante. Du coup j’aime bien classer mon taf par endroits plutôt que par période ou thème.

Quels conseils donnerais-tu aux photographes dans leur pratique ?

Mon plus grand conseil à ceux qui veulent faire de la photo est de rester dans la photo! Pour notre génération les arts sont asphyxiés et la photo paye très peu, donc c’est trop tentant de chercher une stabilité et taffer pour le rêve de quelqu’un d’autre. En soi, ne pas divaguer et perdre de vue les projets qui nous tiennent à cœur demande beaucoup de discipline.

écrit par mpflawer le 2017-02-17 dans #culture #news #Gens #photographie-argentique #kamila-stanley

4 commentaires

  1. argentic-translation
    argentic-translation ·

    Scotché par son autoportrait !

    Et encore un bel univers, un ! =)

    Merci mpflawer ;)

  2. alcastan
    alcastan ·

    Belle découverte.

  3. mpflawer
    mpflawer ·

    @argentic-translation @alcastan <3

  4. elodinosaur
    elodinosaur ·

    douce découverte, merci !

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