Un portrait de l'Inde : Interview avec Souleyman Messalti
1 Share TweetOn pourrait remplir des pages au sujet de l'Inde et de toutes ces choses qui rendent ce pays si beau et différent de tous les autres. Mais laissons plutôt s'exprimer Souleyman Messalti à travers ses images évocatrices. Son récent voyage dans le sous-continent prouve une fois de plus que la beauté de ce pays réside dans ses habitants. Délectez-vous de ses portraits hauts en couleurs et apprenez-en un peu plus sur son travail dans cette interview où Souleyman partage avec nous quelques détails sur cet incroyable voyage et la manière dont il a influencé sa personne et son art.
Hey Souleyman ! Comment se passe ce début d'année 2017 ?
Hey ! Pour l'instant, 2017 se résume pour moi au traitement et à la retouche. Je reviens juste d'un voyage de 3 mois en Inde duquel j'ai ramené des centaines de gigas de photos et de vidéos. Pour l'instant, je suis dans le sud de la France à éditer et organiser tout ça, avant de repartir pour Londres au mois de mars.
Qu'est-ce qui a le plus influencé ton style photographique personnel ? Comment l'as-tu cultivé au fil du temps ?
J'ai toujours été curieux vis-à-vis des gens, leurs histoires, leur apparence, leur comportement, leur philosophie... tout ce qui fait d'eux des personnes uniques. Je me souviens avoir décidé que je voulais être photographe documentaire après avoir vu les travaux de Steve McCurry pour la première fois, il y a peut-être 10 ans de ça. J'ai été très impressionné par la connexion qu'il arrive à établir avec ses modèles ainsi que par la beauté subtile qu'il arrive toujours à faire ressortir, même lorsqu'il s'agit de situations tendues ou dangereuses. Ça a réellement fait sens en moi.
Puis j'ai déménagé à Londres à l'âge de 18 ans et j'ai rapidement commencé à travailler pour Humans of London pour qui j'ai interviewé plus de 500 passants. Avec du recul, je me rends compte que ce projet était davantage un challenge pour moi : je voulais sortir de ma zone confort et voir si j'étais capable d'interviewer et de photographier autant de londoniens que possible. J'y ai passé 2 ans, et cela m'a donné beaucoup de confiance en moi, ce qui est nécessaire pour faire du photojournalisme. Ça m'a permis de surmonter mes peurs, d'aller à la rencontre d'étrangers, de leur parler et de les prendre en photos !
Quels sont les avantages à être un photographe de documentaire ?
L'excitation face à l'inconnu ! Tu ne sais jamais vraiment ce sur quoi tu travailles, où ça va te mener et où tu finiras par bosser.
Lorsque tu documentes des gens et leur histoire, de quelle manière ça t'affecte personnellement en tant que personne et en tant qu'artiste ?
L'impact dépend des histoires auxquelles je suis confronté. Je pense qu'aucune des histoires sur lesquelles j'ai travaillé ne m'a laissé complètement indemne. Elles me font grandir et évoluer en tant qu'artiste, mais aussi en tant que personne, et elles m'ont également fait accepter et comprendre toute la complexité des êtres humains. Il y a un sujet sur lequel j'ai bossé récemment qui m'a laissé extrêmement triste, en colère, et impuissant lorsque j'étais en Inde. C'était à propos de survivants d'attaques à l'acide. Le fait de les rencontrer, de discuter et de passer du temps avec ces personnes a été une expérience qui m'a profondément changé.
D'un point de vue plus personnel, ça m'a fait remettre les choses en perspective. J'ai réalisé que tout ce que l'on prend pour acquis peut nous être retiré en quelques secondes, sans avertissement. Sur un niveau plus global, j'ai aussi compris qu'il fallait réellement agir en Inde, socialement pour aider les victimes, mais aussi à l'échelle gouvernementale pour réguler l'accès à l'acide (qui est disponible dans un grand nombre de magasin en tant que produit d'entretien et de nettoyage) dans le pays.
Tu as eu la chance de voyager en Inde et de photographier ses habitants. Qu'est-ce qui t'a le plus émerveillé durant ton séjour ? Avec toute cette diversité, quel est, selon toi, le dénominateur commun à toute ces personnes ?
J'ai été ravi par l'héritage culturel et religieux du pays. Vivre, ou voyager en Inde, c'est tomber sur des célébrations, des processions, des manifestations traditionnelles presque au quotidien, et à chaque coin de rue. On peut avoir l'impression de parcourir plusieurs pays tellement l'Inde est variée. Quelques heures de train et vous vous retrouvez dans un endroit complètement différent au niveau de la langue, du climat, des paysages, des modes de vie.
En ce qui concerne les indiens, c'est assez difficile de faire émerger un trait commun à l'ensemble de la population étant donné que le pays est immense et change d'un bout à l'autre. Mais je peux dire qu'une des choses qui les rassemble tous, c'est leur hospitalité et la fierté qu'ils ont vis-à-vis de leur pays. Les plus belles expériences humaines que j'ai pu y vivre se sont déroulées avec des locaux, lorsqu'ils m'invitaient chez eux pour le thé ou le dîner, me racontant leurs histoires et leurs traditions, me présentant leur famille. J'ai rencontré quelques personnes qui m'ont emmené dans des lieux incroyables et présenté à des connaissances qu'ils jugeaient important que je rencontre. J'ai adoré le fait que rien ne doit ou ne peut être prévu à l'avance. Il suffit simplement de sortir, de rencontrer des gens. C'était une expérience vraiment incroyable.
L'un de tes projets consiste en un documentaire de 15 minutes explorant le monde des strip-teaseuses à Londre. Qu'est-ce qui t'a amené à traiter ce sujet pour le moins controversé ?
J'ai voulu faire ce film sur le East London Strippers Collective dès ma première rencontre avec Stacey Clare, sa fondatrice. On s'est rencontré par l'intermédiaire d'un ami et elle m'a tout de suite parlé de sa démarche, des conditions de travail qu'elle essaye d'améliorer et de la stigmatisation difficile dont souffrent ces professionnelles. J'aime interroger et déconstruire les clichés à travers mon travail, et j'ai estimé que leur cause en valait la peine, donc je me suis mis au travail.
Que représente ce film pour toi ?
C'est le premier film que j'ai réalisé après mon Master en Film Documentaire ! Travailler pour une grande entreprise de diffusion comme Channel 4 était un gros challenge et une chance énorme à un tel niveau de ma carrière. Un tremplin inimaginable.
Lorsque tu étais à Mumbai, tu as pris des photos de personnes dans une gare, capturant leurs émotions et leurs mouvements. Qu'est-ce qui t'a le plus frappé en réalisant ce projet ?
C'est ce melting-pot de sentiments, d'émotions et de mouvement constant vraiment spécifique à ce genre de lieu qui m'a poussé à travailler sur cette série. La gare de Mumbai étant la plus animée au monde, j'ai évidemment été frappé par sa grandeur, sa vie et son ébullition culturelle. C'est ce que j'ai voulu retransmettre à travers ces images.
Des projets à venir dont tu aimerais nous parler ?
Je viens tout juste de terminer la retouche de mes photos prises en Inde et je commence à peine à travailler sur les vidéos. Je suis en train de monter un film shooté à Varanasi, la plus vieille ville du monde et la capitale spirituelle du pays, ainsi qu'un documentaire sur les survivants d'attaques à l'acide. Ca va très probablement m'occuper pour les semaines à venir.
Toutes les photographies publiées dans cet article ont été utilisées avec la permission de Souleyman Messalti. Pour découvrir son travail plus en profondeur, rendez-vous sur son site et suivez-le sur Instagram.
écrit par Ivana Džamić le 2017-01-30 dans #Gens
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