Sur les routes de France avec Yoann Olawinski

Au cours de l’été 2016, Yoann Olawinski a parcouru plus de 3300 kilomètres à pied en France avec sa tente, son appareil photo et son chien. Il en est revenu avec l'Excursion, un documentaire photographique et initiatique sur la France, ses routes et ses habitants. Rencontre.

Hello Yoann ! Présente-toi aux Lomographes !

Bonjour ! Je m’appelle Yoann Olawinski, j’ai 24 ans, je viens de Valence, dans la Drôme. Chouette région.

Quel est ton parcours ? Comment et pourquoi t'es-tu mis à la photographie ?

Parcours très classique académiquement, classes préparatoires, école de commerce, finance. Et puis, changement de but, je pars en stage en Thaïlande, et je découvre vraiment la photographie à ce moment là, dans le voyage, comme un prétexte pour oser, pour observer, pour m’intéresser aux autres. Avant ça, c’était juste un loisir sympa. Là, je me suis dit que c’était une philosophie de vie qui me plaisait.

Tu nous parles de ton projet "L'excursion" ?

L’excursion, c’est mon premier vrai projet photographique. Je suis parti cet été sur les routes de France, à pied. J’ai parcouru 3300 kilomètres en 105 jours avec mon appareil photo, ma tente et mon chien (Darwin, le brigadier), à la rencontre d’une France moins fantasmée, plus authentique. Celle qu’on voit le long des routes, il suffit d’y passer et de regarder.

C’est dur de voyager dans un pays auquel on s’est habitué. Pour moi, voyager, c’est modifier mon référentiel, et ça passe par des rencontres, par la langue, la cuisine parfois, bref, tout ce qui nous sort de notre quotidien et nous fait nous sentir ailleurs. Alors j’ai voulu créer un cadre pour provoquer ce dépaysement, et modifier mon regard sur les choses. D’où l’idée de partir à pied, avec mon sac à dos et ma tente, pour créer ce cadre et un quotidien modifié. La solitude, la lenteur, l’inconfort, la dureté du voyage, tout ça a contribué à mon dépaysement, à poser un regard presque extérieur sur la France.

Et puis, j’avais envie d’un voyage initiatique, d’aller au bout d’un rite, marquer une sorte de passage à l’âge adulte, en posant un projet audacieux comme fondement d’une pratique photographique assumée.

Comment s'est passé ce voyage initiatique ? A quoi ressemblait une journée-type ?

Quand je pense à ce que je craignais avant de partir, je me dis que ça s’est hyper bien passé. L’idée d’abandonner n’est jamais apparue en 105 jours. Et puis je n’ai pas eu de problème majeur, je ne me suis jamais senti en danger, j’ai pu rencontrer des gens d’horizons très divers.

Il y a eu des moments très durs, psychologiquement, physiquement (mention spéciale aux ampoules, qui, à ma surprise, peuvent se construire les unes dans les autres, miam) mais j’ai toujours pu trouver des ressources pour continuer d’avancer, pour faire d’autres rencontres, oser des trucs nouveaux.

La journée type, c’était beaucoup de marche sur le bord d’une départementale. J’ai trouvé quelques pistes cyclables, des GR, et là c’était agréable. Mais le bord des routes, c’était pesant. Après 4 heures de marche, je croisais en général un village; que je pouvais observer pendant mon passage. Deux trois banalités échangées, pour créer une interaction, parfois prendre une photo, parfois simplement repartir, une escale pour la nourriture, et à nouveau de la marche.

En fonction de la chaleur, des conditions, de la fatigue, je m’arrêtais après 40 kilomètres. J’ai fait jusque 65 kilomètres en une journée. Ca commence à faire je crois. Puis un coup de réchaud pour faire bouillir de l’eau et manger chaud, la tente montée dans un champ, un peu cachée, le tri des photos, la rédaction du texte pour le journal de bord. Et là en général je m’écroulais en pensant au lendemain.

Voilà les facteurs qui ont pu être à peu près communs à chaque journée, le reste c’était très variable...

Qu'as-tu emporté avec toi ? Avec quel matériel as-tu shooté ?

J’avais 17 kilos dans mon sac. C’est lourd. J’avais pas mal réfléchi à ma liste de matériel pour l’alléger. Mais ça va vite, et il faut voyager léger. J’avais deux tenues pour 100 jours. Un petit clavier pour pouvoir écrire sur mon téléphone, un adaptateur pour y transférer les photos, un panneau solaire et une batterie externe. Et puis ça suffit. Une vraie station de travail mobile.

Pour la photo, je suis parti avec mon réflex et une seule focale, un 35mm. J’avais pas de questions à me poser, d’objectif à changer. C’était tout au 35, point final. Et je m’étais fait un petit sac holster, accessible en permanence devant moi. Ca me donnait un coté touriste allemand, mais il me fallait une seconde pour sortir l’appareil et prendre une photo, sans qu’il soit toujours visible. J’avais pas à m’arrêter, poser mon sac à dos, sortir l’appareil, remettre l’appareil dans le sac, reprendre le sac sur le dos. Et ça a l’air bête, sûrement, mais je trouve ca crucial d’y penser. Voyager avec un appareil lourd, rangé, c’est la quasi-certitude de passer à coté de pas mal de photos.

Qu'as-tu ramené de cette expérience ? Qu'est-ce que tu en retiens ?

Des photos ! Enfin, plus précisément, un témoignage, une vision de la France pendant l’été 2016. C’est très ponctuel. Mais, j’aime l’idée qu’il en ressorte quelque chose de global, de pouvoir tirer du particulier une leçon générale.

Au delà de ça, j’en retiens beaucoup de choses, assez diverses. Une humilité, déjà, parce que je suis parti sans vouloir donner aucune leçon, simplement pour recueillir un témoignage, des idées pour orienter ma pratique photographique. Enfin, le plus important, une vision des possibles un peu nouvelle, le goût de l’audace.

Et maintenant ?

Je viens de lancer une campagne de financement participatif sur Ulule pour réaliser un livre de ce projet, histoire que le témoignage dépasse la barrière de l’écran !

Des projets pour la suite ?

Oui ! Plein. C’est pas cool avec ma petite maman, parce qu’elle va devoir continuer à se faire du sang d’encre. Mais je sais où je vais photographiquement, et j’ai envie de prendre des risques. J'ai envie d'utiliser la photographie pour se défaire des clichés et des fantasmes, poser un regard lucide sur les choses, pour ce qu'elles sont.

Merci Yoann !


Suivez le travail de Yoann sur son site, le site dédié à l'Excursion et son compte Instagram.

écrit par Théo Depoix-Tuikalepa le 2016-12-10 dans

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